Mali : Ouverture du procès de l’ex-ministre de l’Économie dans l’affaire de l’avion présidentiel

Mali : Ouverture du procès de l’ex-ministre de l’Économie dans l’affaire de l’avion présidentiel

Le rideau se lève à nouveau ce jeudi sur l’un des dossiers judiciaires les plus emblématiques du Mali contemporain. Devant la Cour d’assises spéciale chargée des crimes économiques et financiers, s’est ouvert à Bamako le procès de l’ancienne ministre de l’Économie et des Finances, Bouaré Fily Sissoko, dans l’affaire dite de « l’achat de l’avion présidentiel et des équipements militaires ». Une procédure marquée par les zones d’ombre, les rebondissements politiques et un contexte humain bouleversant.

Une image choc : l’accusée sur une civière

Hospitalisée depuis plusieurs semaines, Bouaré Fily Sissoko a été amenée de force sur une civière dans la salle d’audience, sous haute sécurité. Souffrant notamment de drépanocytose et d’hypertension sévère, l’ancienne responsable économique du régime d’Ibrahim Boubacar Keïta apparaît affaiblie, voire diminuée, relançant le débat sur les conditions de détention des prisonniers malades au Mali.

Incarcérée depuis plus de trois ans, Sissoko fait face à des accusations graves : détournement de fonds publics, atteinte aux biens de l’État et favoritisme, dans un dossier évalué à plusieurs dizaines de milliards de francs CFA.

Une affaire relancée après des années de silence

Le scandale remonte aux années 2013-2014, lorsque le régime IBK avait procédé à l’acquisition controversée d’un avion présidentiel et d’équipements militaires pour renforcer les capacités de l’armée. Les conditions d’attribution des contrats, la véracité des factures et la réalité des livraisons ont, depuis, alimenté de nombreuses suspicions.

En 2021, la Cour suprême avait classé l’affaire sans suite, faute de preuves suffisantes. Mais sous la pression de l’opinion publique et dans le cadre d’une campagne plus large contre la corruption, le dossier a été réactivé en septembre 2024.

Des témoins-clés entendus, des juges remplacés

Outre Sissoko, trois autres anciens hauts cadres sont appelés à la barre : Mahamadou Camara, Moustapha Drabo et Nouhoum Dabitao. Les plaidoiries qui reprennent ce jeudi pourraient être déterminantes, notamment après l’audition récente de trois anciens Premiers ministres : Moussa Mara, Oumar Tatam Ly et Madani Touré. Leurs témoignages sont considérés comme cruciaux pour retracer le cheminement des décisions financières à l’origine de l’affaire.

Mais un autre facteur complique la reprise du procès : le remplacement quasi total de la formation de la Cour. Sur les cinq magistrats initialement saisis du dossier, seul le président est resté en poste. Cette reconfiguration soulève de nombreuses questions sur la continuité des débats et la légitimité des futures décisions. Faudra-t-il recommencer depuis le début ?

Un procès sous haute tension

Le procès dépasse le seul cadre judiciaire. Il est devenu un symbole de la lutte contre l’impunité, dans un pays en quête de réformes et de justice après des années de gouvernance contestée. Pour certains, il représente une avancée dans la redevabilité des élites ; pour d’autres, une manœuvre politique visant à cibler des figures emblématiques d’un régime déchu.

Dans tous les cas, les prochains jours s’annoncent décisifs. À travers ce procès, c’est aussi la crédibilité du système judiciaire malien qui est en jeu. Sa capacité à juger équitablement, malgré les pressions, les sensibilités politiques et les enjeux humains, sera scrutée de près — au Mali comme à l’étranger.

Babacar DIOP

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